René Zuber photographié
par Pierre Boucher – 1935
Biographie de René Zuber
Issu d’une prestigieuse famille de papetiers alsaciens, René Zuber naît à Boussières (Doubs) le 19 novembre 1902. Il suit des études d’ingénieurs à l’École Centrale des Arts et Manufactures à Paris, dont il sort diplômé en 1924. Refusant d’intégrer la manufacture familiale, il décide de travailler dans l’édition, suivant des cours aux Hautes études commerciales de Paris (HEC) puis à la prestigieuse Akademie für graphische Künste und Buchgewerbe de Leipzig en 1927-1928. C’est à Leipzig que naît sa vocation de photographe, en découvrant le livre d’Albert Renger-Patsch Die Welt ist schön : « Le titre de cet album, Die welt ist schön, m’atteignit en plein cœur. Il y a longtemps que je cherchais à me dégager du pathos esthétique, du flou artistique et autres dévergondages du sentiment. Je réalisais d’un seul coup que le monde dans lequel je vivais était beau, intégralement beau, simplement parce qu’il était vrai. Dès lors, je brûlais d’en rapporter la preuve ».
De retour en France, il est employé à L’Illustration, où il rencontre Emmanuel Sougez qui y dirige le service photographique. Il signe dans la prestigieuse revue Arts et métiers graphiques ses premiers articles sur la photographie et le graphisme. S’orientant vers la photographie publicitaire, alors en plein essor, il crée et dirige le studio photographique d’une des principales agences parisiennes, Dam Publicité, en 1929. La même année, il participe à l’exposition Film und Foto de Stuttgart. René Zuber s’impose comme une figure majeure du renouveau formel de la photographie française dans les années 30, et de l’affirmation du lien profond entre photographie et édition.
En 1932, il crée le Studio Zuber, où travailleront ou collaboreront de nombreux jeunes graphistes ou photographes, notamment Pierre Boucher, Emeric Feher, Pierre Verger et Denise Bellon. Tout en continuant de pratiquer la photographie publicitaire, René Zuber réalise de nombreux reportages, notamment pour les revues Art et médecine, L’Illustration… Ses œuvres continuent d’être exposées avec succès dans de nombreuses expositions. Engagé politiquement, il adhère à l’AEAR dès sa création.
L’année 1934 est une année charnière dans la carrière de René Zuber qui fonde avec Maria Eisner et Pierre Boucher l’agence photographique Alliance Photo, agence coopérative qui sera le modèle de Magnum. Grâce à Alliance Photo, les photographies de René Zuber connaissent une très large diffusion dans la presse française et internationale. René Zuber assure aussi de nombreux reportages, notamment pour les magazines Vu, Voilà, Regards ou encore Match.
Parallèlement, il crée en 1934 avec son ami d’enfance, Roger Leenhardt, la société de production Les Films du Compas, spécialisée dans le film documentaire. René Zuber, tout en poursuivant activement son métier de photographe, mène alors une carrière de réalisateur : son premier film, En Crète sans les dieux (1934) sera suivit de L’Orient qui vient (1936), Fêtes de France, présenté dans le pavillon officiel de la France à l’Exposition internationale de New York (1939).
En 1937, il assure la décoration du pavillon du papier, arts graphiques et imprimerie de l’Exposition internationale des arts et techniques.
Pendant la deuxième Guerre mondiale, il réalise encore quelques films : Le Chant du feu (1942), Pescagel, 1943. En août 1944, ses photographies de la libération de Paris seront largement diffusées.
En 1946, René Zuber fonde les Éditions du Compas, publiant notamment La Mort et les statues, préfacé par Jean Cocteau et rassemblant des photographies de Pierre Jahan. Il poursuit aussi activement son travail de documentariste : La Norvège sans les vikings (1946), Les Hommes du Champagne (1949), La Course au pétrole (1950), Agadir (1953), La Route des Indes (1954), Le Grand œuvre. Panorama de l’industrie française (1956), Paris en France (1961), Sidérurgie (1964), Message de Montréal (1966) et enfin pour la télévision Les Peuls (1971), avec la collaboration d’Amadou Hampâté Ba.
“En 1943, René Zuber fait la rencontre décisive de G. I. Gurdjieff dont il sera un des proches disciples. En 1977 il publie un témoignage de cette expérience dans Qui êtes-vous Mr. Gurdjieff ? Après la mort de ce dernier le 29 octobre 1949, René Zuber sera chargé de publier et de diffuser son œuvre avec les Editions Janus. Entre 1952 et 1965, René Zuber réalisera une série de films sur Les danses sacrées ou Mouvements avec Jeanne de Salzmann qui poursuit alors l’enseignement de Gurdjieff.
René Zuber s’éteint le 12 juillet 1979 à Meudon, où il est enterré.
Hervé Degand